Reconversion Infirmière : Pourquoi tant de jeunes Infirmières veulent se reconvertir ?
“Je suis diplômée depuis 2017 et je songe déjà à changer de métier.”
“Diplômée depuis juillet 2020, je me demande si ce métier est fait pour moi.”
“Je culpabilise d’être en arrêt car j’ai seulement 2 ans de diplôme et en pleine crise mais je ne me sens pas à ma place.”
Je reçois de nombreux messages tous les jours. Beaucoup me touchent.
Les messages de détresse des jeunes diplômés me touchent particulièrement.
D’abord parce que, si jeune, ne pas se sentir à sa place après 3 ans d’études intenses, ça peut être une grande souffrance.
Aussi, parce que souvent l’entourage et la société leur fait sentir que “ce n’est pas normal”, “qu’il ne faut pas se plaindre lorsque l’on a un travail, un salaire. ”
Et surtout parce que les jeunes diplômés culpabilisent énormément.
Alors aujourd’hui j’ai décidé de témoigner de ce que je vois tous les jours.
Pour que les jeunes infirmières se sentent enfin comprises dans leur mal être, pour qu’elles arrivent à moins culpabiliser et pour que les familles et l’entourage des jeunes infirmiers, puisent enfin comprendre que :
Non, être infirmier ce n’est pas facile tous les jours et qu’à travers nos masques et autrefois nos sourires peuvent se cacher une vraie détresse humaine.
Reconversion jeunes infirmières : Quand l’entourage ne comprend pas
De quoi te plains-tu ?
Je vais peut-être vous choquer mais la fonction publique hospitalière est peut-être une sécurité mais sûrement pas un confort pour tout le monde.
On pourrait même l’appeler “Prison dorée” dans certains cas.
Prison dorée car lorsque l’on est dedans, on a cette impression en effet d’être protégé du manque d’emploi, de la crise et des problématiques des entrepreneurs.
Mais en vérité, le confort c’est très relatif.
Et la sécurité aussi.
Avoir un planning imposé, des vacances imposées et une hiérarchie qui ne salue pas toujours son équipe le matin, vous trouvez ça confortable vous ?
Avoir des patients malpolis, exigeants et insultants, vous trouvez ça confortable vous ?
En tant qu’infirmière, nous sommes confrontées au quotidien à des drames humains. Et ce parfois depuis nos 18 ans lors que nos stages.
Et cela nous fait relativiser la vie et notre existence sur terre.
La vie est si courte.
La vie ne tient qu’à un fil.
Alors pourquoi se tuer à la tâche toute une vie, juste pour espérer une retraite “confortable” ?
A 19 ans, lors d’un de mes stages, j’ai pris en charge un homme de 30 ans qui s’est retrouvé du jour au lendemain paraplégique suite à un accident de parapente.
A 21 ans, lors de mon premier poste, j’ai pris en charge un patient de 27 ans tétraplégique suite à un accident.
Et je peux en citer d’autres.
Pourquoi attendre dans notre prison dorée pour pouvoir profiter de la vie lorsqu’on aura déjà les cheveux blancs ?
Pense à ta retraite
“Mes parents me disent de rester de le fonction publique et de penser à ma retraite.”
Si les parents savaient combien ils peuvent étouffer des potentiels immenses avec des conseils comme ceux-là.
Si vous saviez combien d’infirmiers me confient qu’ils préféreraient gagner moins mais être vraiment épanouis dans leur travail et donc dans leur vie.
Depuis plus de 20 ans, la reconversion professionnelle ne devrait plus être taboue.
Les anciennes générations étaient marquées par des parents ou des grands-parents ayant connu la guerre, le manque, la faim.
Avoir un emploi, un salaire, une maison, une femme, deux enfants et un chien était alors un luxe.
Mais de nos jours, nous voulons plus que cela.
Non pas parce que nous sommes devenus des personnes capricieuses mais parce que ces temps-là sont bien loins.
Désormais nous voulons avoir un travail épanouissant, valorisant et surtout qui a du sens.
Tu as choisi ton métier
Venez passer une journée, une seule journée dans la peau d’un soignant. Et vous comprendrez.
Vous comprendrez que nous avons choisi ce métier pour le relationnel et pour l’humain avant tout.
Mais le système de santé en France place l’argent et la rentabilité avant tout.
Et ce manque de sens, ce manque d’alignement est absolument insupportable à vivre.
Venez dire à un patient qui vient d’apprendre qu’il a eu un cancer que vous n’avez pas le temps et que deux autres poses de chimio vous attendent.
Ce métier je l’aime, mais on a fait en sorte que je ne puisse plus l’exercer comme avant. On m’a dégoutée de mon métier qui était avant une passion.
C. 20 ans de DE
Alors ne dites plus à une infirmière qu’elle a choisi ce métier car oui, on a tous choisi le métier d’infirmier mais pas celui-là, pas de cette façon-là.
Reconversion jeunes infirmières : Dès l’école d’infirmière
Pourquoi des IDE songent à se reconvertir si jeune ?
Tout simplement parce que les problèmes commencent dès les études.
Dès les premiers stage, nous sommes plongés dans cette jungle de l’hôpital publique, dans ces services plein de stress, de tensions, de souffrance, d’émotions.
Des larmes, de la douleur et parfois aussi la mort.
Et ce dès nos 18 ans pour certains.
Et ce n’est pas que nous ne sommes pas capables, c’est que nous sommes mal préparés.
Ce n’est sûrement pas la faute de tuteurs de stage qui sont eux déjà fatigués et stressé par leur propres problèmes.
Mais si parfois certains tuteurs de stage “se vengent d’avoir été eux même mal accueillis en tant que stagiaires”.
Ce n’est pas que nous ne sommes pas fait pour être infirmiers, c’est que ces conditions-là ne nous conviennent pas.
Et c’est pour ça que beaucoup d’étudiants en Soins Infirmiers abandonnent en cours de route ou que beaucoup vont au bout juste pour avoir un diplôme et on verra après.
“Mais que faire après ? Pourquoi est-ce que je suis si mauvais ?”
Ce n’est pas que tu es mauvais, c’est que tu n’es pas à ta place.
Reconversion jeunes infirmières : Culpabilité
J’aimerais vous dire, à vous jeunes IDE fraîchement diplômés qui êtes déjà épuisés, exploités voir même déjà en arrêt, j’aimerais vous dire :
Ne culpabilisez pas !
Charlotte, dis leur qu’ils ont raison ! Ils ont raison de ne pas avoir attendus d’arriver au bout pour s’en rendre compte !
P. après 10 ans de DE et 2 burn out
“Je n’ai jamais fait de service comme la réa ou les urgences donc je ne suis pas une vraie infirmière.”
Vous êtes tellement nombreuses a me dire cela.
Mais il n’y a pas de vraie ou de fausse infirmière.
Il y a des spécificités et des professionnels qui sont plus ou moins à l’aise dans telle ou telle structure.
Un infirmier de réanimation en serait pas forcément à l’aise dans un EHPAD de 85 résidents et l’inverse est vrai aussi.
Alors si l’entourage des infirmiers pouvaient arrêter de faire culpabiliser ces jeunes diplômés qui selon eux « ne sont pas des vrais infirmiers », ce serait gentil.
Vous serez bien contents de trouver des soignants qui sont plus doués dans le relationnel et l’écoute et peut-être un peu moins à l’aise dans les soins techniques et invasifs, lorsque vous irez en EHPAD.
Un soignant est une personne qui prend soin, peu importe la structure, peu importe si les actes sont techniques, s’ils portent une tenue plus complexe, peu importe.
L’importance ce n’est pas le regard de la société sur le métier que tu exerces et la façon dont tu l’exerces, mais l’importance c’est que tu te sentes à ta juste place.
Et ça, personne ne peut le décider à part toi.
Je ne te dis pas que c’est facile de trouver sa juste place, je te dis que tu as le choix.
Et ça, c’est déjà une belle chose.
Charlotte
Très beau message !!