Les CPTS : quel rôle pour les infirmières ?

Je te propose de prendre un peu de hauteur. Entrons dans les coulisses d’une CPTS ou Communauté Professionnelle Territoriale de Santé, pour en découvrir le fonctionnement. Le thème du jour : Les CPTS : quel rôle pour les infirmières ?

Le sujet est assez nouveau, tu vas le voir, tellement plein de bon sens et d’utilité publique.

On va parler : besoins des patients, parcours de soin, communication entre professionnels de santé, projets communs, émulation du groupe …

Alors pourquoi je parle de prendre de la hauteur ?

Nous allons quitter les soins à proprement parler, pour réunir les différents professionnels de santé libéraux et voir comment, ensemble, ils peuvent améliorer la santé de la population sur leur territoire.

Tu vas découvrir que tout ceci est une véritable histoire d’engagement, de valeur, de volonté d’aller ensemble soigner de la meilleure des façons.

Un immense merci à Gaëlle, infirmière coordinatrice en CPTS, qui m’en a expliqué le fonctionnement et qui a accepté de témoigner dans cet article.

Qu’est-ce qu’une CPTS ?

Les CPTS sont nées avec la Loi « Ma santé 2022 » d’une volonté du gouvernement de couvrir le territoire français de ces structures pour fluidifier le système de santé.

Les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé sont des associations réunissant des acteurs de santé sur un territoire donné.

Organisées en association loi 1901, les CPTS représentent l’association créée par des professionnels de santé qui travaillent ensemble pour répondre aux besoins de la population du territoire sur lequel ils sont implantés.

Les professionnels impliqués participent tous au développement de l’association, des compétences de chacun des membres et au projet de soin initial.

Je te donne l’exemple de la CPTS dans laquelle travaille Gaëlle. Tu auras une idée du fonctionnement :

Les professionnels ont noté une difficulté d’accès à des dermatologues. Ils ont donc créé une plateforme sécurisée de stockage des photos.

Tous les dermatologues qui adhèrent au projet peuvent à tout moment aller consulter une photo et prendre en charge un patient si cela est nécessaire.

L’idée est donc bien de partir des besoins des professionnels de santé, des besoins des patients, des carences pour ensuite imaginer une solution commune pour améliorer le parcours.

Il y a deux niveaux de création des différents projets de soin :

+ Les premières idées viennent du terrain, de la vision des professionnels qui vont être moteurs pour créer un projet de soin (cf. La dermato à Chambéry). Les CPTS lancent régulièrement des appels à projet pour connaitre vraiment le quotidien et les problématiques de tous les professionnels libéraux de son territoire.

+ En parallèle, le gouvernement a fixé des grandes orientations : l’accès aux médecins traitants, la prise en charge des patients atteints d’insuffisance cardiaque etc.

Il faut bien comprendre que …

Une maison de santé regroupe très localement des professionnels de santé libéraux. Ils vont y accueillir et soigner leurs patients.

Une CPTS n’a pas de local pour dispenser des soins.

Les locaux sont dédiés aux réunions des groupes de travail. Le champs d’action est plus politique, à l’échelle de tout un territoire.

Quels sont les avantages d’une CPTS pour les professionnels et les patients ?

Il s’agit d’un regroupement en association de plusieurs professions de santé qui vise à :

• Faciliter l’accès aux soins
• Rendre plus cohérent et fluide le parcours du patient
• Mettre en place des parcours qui répondent vraiment aux besoins des populations du territoire (on ne créé pas des ateliers sur l’allaitement pour une population de séniors)
• Créer une émulation interprofessionnelle et briser un peu la « solitude » du libéral
• Permettre aux professionnels de monter en compétence
• Améliorer les communications. Inciter les professionnels à échanger entre eux en trouvant un support de communication sécurisé commun
• Participer à la réponse aux crises sanitaires (la crise COVID a créé des initiatives entre professionnels, des réseaux whatsapp par exemple)
• Potentialiser les actions de prévention, de promotion de la santé sur le territoire
• Agir pour le bien-être des soignants qui exercent sur la zone géographique définie.

Par exemple à Chambéry, Gaëlle et son CPTS vont mettre en place des actions pour la prévention du burn-out des libéraux, des supervisions pluri professionnelles en co-construction avec une association locale « Parenthèse Savoie » et probablement l’association SPS.

Je te donne un exemple de la naissance d’un projet :

Une IDEL peut tout à fait soulever la question des informations du patient. Elle peut parler des documents qu’il faut aller récupérer à droite à gauche, des divers compte-rendu et ordonnances à collecter pour son dossier (si tu es infirmière, tu vois surement de quoi je parle, cela peut être un vrai casse-tête).

Cette difficulté fera l’objet d’un groupe de travail avec tous les professionnels du territoire intéressés par le sujet pour voir comment centraliser, fluidifier, simplifier la transmission des informations du patient.

Ensuite, en fonction des besoins, le groupe crée des parcours spécifiques pour les patients, des interventions dans les écoles, la création de support pour les médecins généralistes etc.

Quel professionnel peut adhérer à une CPTS ?

Les CPTS sont ouvertes à tous les professionnels de santé libéraux :

• médecins généralistes et spécialistes
• IDEL
• pharmaciens
• kinésithérapeutes
• neuropsychologues
• diététiciennes
• sages-femmes
• ergothérapeutes,
• orthophonistes…

Quel rôle pour les infirmières au sein d’une CPTS ?

Une infirmière peut avoir deux places différentes :

+ IDEL : une IDEL a toute sa place au sein d’une CPTS pour faire remonter ses observations, pour prendre une part active à la prise en charge santé globale sur le territoire.

+ Infirmière Coordinatrice pour accompagner les professionnels de santé à mettre en place les projets. Tu vas pouvoir lire juste en dessous le témoignage de Gaëlle.

« A mon sens, l’infirmière a une vision un peu globale du patient : besoins sociaux, médicaux, paramédicaux. Par rapport à un kiné qui a une lecture plus spécifique, l’infirmière a une vision plus globale. On peut facilement faire valoir ses compétences d’IDE et d’IDEL. »

Si cela t’intéresse, je te recommande l’article Infirmière coordinatrice, une évolution de travail pour les infirmières.

Témoignage de Gaëlle, infirmière coordinatrice en CPTS.

« Je suis infirmière depuis 20 ans dont 17 années de libéral.

Parallèlement, je me suis toujours formée dans mon métier d’infirmière via la consultation, l’ETP etc.

Et j’ai développé d’autres compétences via des formations qui m’amènent à exercer en slashing autour de la thérapie de couple et de l’individu avec différents outils depuis 8 ans.

L’accompagnement de l’individu à aller vers un « mieux-être » est le pilier et le moteur de mes actions.

La crise COVID-19 sur le territoire où j’exerce a amené les IDEL à beaucoup de solidarité.

Nous avions créé un groupe WhatsApp encore effectif aujourd’hui pour nous aider et nous coordonner dans cette crise. Ce mouvement s’est étendu vers une solidarité et une dynamique pluri-professionnelle qui a fait émerger la CPTS Chambéry agglo’ dont j’ai été vice-présidente depuis sa création.

Suite à un recrutement de coordination médicale et administratif indispensable au fonctionnement d’une structure qui concerne 600 professionnels de santé sur un territoire, je suis coordinatrice dans cette association loi 1901. »

Pourquoi avoir choisi de t’investir au sein d’une CPTS ?

« Aujourd’hui nous savons tous que le système de santé va mal.

Et au-delà de cette simple constatation, j’avais envie de pouvoir avoir des outils pour améliorer les choses pour mes patients et mon exercice professionnel d’infirmière libérale, sortir du cloisonnement de mon cabinet et être dans un élan et un réseau pluri-professionnel.

Donc s’investir en tant que IDEL dans une CPTS, c’est être acteur avec les collègues médecins, kinés, pharmaciens, diététicienne, sage-femme, orthophoniste de ce qu’il se passe sur notre territoire d’exercice. (et avoir une indemnité quand on est actif sur des groupes de travail qui montent des projets).

C’est toujours riche de rencontrer les autres pros.

Aujourd’hui, ma prise de poste salariée en tant que coordinatrice médicale et administrative me permet d’avoir du temps pour coordonner les professionnels et les accompagner vers des missions et des actions concrètes qui répondent à leurs envies et leurs besoins. »

Quelles sont pour toi les avantages et des inconvénients de ces structures ?

« Ces structures sont nouvelles et demandent encore du recul pour pouvoir évaluer leur efficacité.

Mais selon moi la pertinence des CPTS est sur trois points:

• Faire entendre la voix et le positionnement des professionnels de santé exerçant en libéral auprès des structures hospitalières et des tutelles (CPAM, ARS)
• Mettre en place des actions concrètes imaginées par ceux qui bossent sur le terrain pour faciliter l’exercice de chacun et le parcours de soins de nos patients.
• Avoir une possibilité d’investir sur la prévention grâce aux compétences des professionnels et de leur sensibilité dans un certain thème. »

Quelles sont tes missions au quotidien ?

« Elles sont vastes et cela peut varier d’une CPTS à une autre.

Mais c’est avant tout mener des projets. Coordonner, animer les professionnels sur des réunions pour qu’il en sorte du concret, gérer toute la logistique (réservation de salle) établir des budgets prévisionnel etc…

L’important est surtout de bien regarder et travailler avec le bureau de la CPTS les missions définies lors de l’embauche. »

Comment se passe la collaboration avec les autres professionnels de santé ?

« Elle se passe très bien.

C’est à cette endroit qu’il faut faire preuve d’empathie, de modération et de positivisme pour aborder les professionnels qui investissent du temps dans les projets de santé en plus de leurs temps de travail dans leurs cabinets.

D’où l’intérêt d’avoir été IDEL pour mieux les comprendre. »

Peux-tu donner une idée de ton salaire par rapport à ton ancienneté ?

« La convention collective et l’annualisation du temps de travail est à demander, le salaire est à négocier et le salaire médian est autour de 2800 euros net sur un poste de cadre.

Pour moi, je suis sur une convention de 210 jours de travail par an sur un poste de cadre avec une mutuelle prise en charge en partie. Aux vues de mon poste multi-casquette je suis un peu au-dessus du salaire médian. »

Quelles sont les qualifications à avoir formation pour travailler en CPTS ?

« Il existe une formation DE PACTE faite en région et dépendante de l’EHESP qui permet d’être éligible à une formation de qualité une fois le poste obtenu.

Pour moi les compétences sont :

• Connaitre son territoire et l’exercice en libéral
• Avoir un bon relationnel et une capacité d’écoute
• Avoir un sens organisationnel pour pouvoir gérer plusieurs missions en même temps
• Savoir argumenter et défendre le positionnement de tous professionnels de santé auprès des différents acteurs de soins »

Quelles sont les qualités à avoir pour travailler en CPTS ?

« Les « savoir-faire » :

• Gestion des parcours pluri-professionnels
• Maîtrise des outils informatiques
• Animation de réunions
• Etre force de proposition

Les « savoir-être » :

• Capacité d’écoute et relationnelle, dialogue, diplomatie
• Capacité d’adaptation aux situations, à différents interlocuteurs
• Capacité d’analyse et de synthèse, force de proposition
• Sens du travail collaboratif et en partenariat

+ Rigueur, organisation, impartialité, sens relationnel et de la communication »

As-tu reçu des formations en interne ?

« J’ai fait partie du groupe qui a créé la CPTS. Nous sommes montés en compétences en forgeant nous-même notre expérience et en nous renseignant auprès des autres CPTS etc.

Auparavant, j’avais fait une formation d’infirmière en consultation, infirmière en ETP, j’avais donc déjà des connaissances sur la mise en place de projets.

Par ailleurs, j’étais déjà impliquée dans le monde associatif via le sport. »

Quels conseils donnerais-tu à une IDE qui souhaite rejoindre une CPTS ?

« De se sentir prête à quitter le métier d’infirmière. Car nous ne sommes plus du tout dans cette exercice. D’avoir envie d’aider les pros qui sont en exercice.

Et surtout de faire preuve de souplesse car aujourd’hui quand on parle politique de santé, tout est à créer. »

Bon à savoir 🙂

Ces postes de coordination peuvent offrir une vraie souplesse et la possibilité de faire du télétravail.

Les coordinatrices vont rencontrer les professionnels libéraux dans leur cabinet ou animent des réunions dans des bureaux mais une bonne partie du travail peut se faire à distance.

Les conditions sont à négocier car c’est un monde très nouveau à construire.

Les professionnels qui s’investissent dans les CPTS reçoivent des indemnisations (pour le temps du cabinet fermé) de réunions, d’animation d’atelier ainsi qu’un dédommagement sur leur temps d’intervention, dans les écoles par exemple.

Ces structures permettent de prendre soin, à la fois des patients pour améliorer leur santé et leur prise en charge et à la fois des professionnels pour fluidifier les rapports, créer des équipes.

Cela leur permet de prendre de la hauteur (la voilà qui revient J) de faire autre chose que d’enchainer les consultations.

Ils sont plus acteur de la santé sur leur territoire. Leur engagement réduit la frustration de la constatation des problèmes chez les patients. L’idée est de les rendre acteurs au-delà de la consultation, de leur donner du sens et de la motivation.

Pour postuler à des postes de coordination, deux solutions :

+ Suivre les annonces de recrutement de la CPTS de ton territoire (regarde sur LinkedIn, certaines sont très actives)

+ Aller sur le site internet de la fédération des CPTS

+ Postuler de manière spontanée. Les IDELs sont des profils très recherchés dont les compétences sont vraiment à valoriser sur des postes de coordination.

Ce format te plait et t’inspire ?

Je t’invite à découvrir le témoignage de Tiphanie, d’infirmière à cheffe de projet 

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