Je te propose de découvrir un nouveau parcours, d’infirmière à technicienne d’études cliniques. C’est un métier assez méconnu qui mobilise des compétences similaires aux compétences des IDE. Très intéressant de découvrir également les coulisses des études qui précèdent la mise sur le marché des médicaments par exemple.
Lucie, ancienne infirmière qui a suivi l’accompagnement avec nous, te donne des détails sur son nouveau métier. Elle te raconte son quotidien : un précieux retour du terrain.
Mais avant cela, il faut que je te donne quelques éléments pour que tu comprennes bien le contexte.
C’est parti.
Qu’est-ce qu’une technicienne d’études cliniques ?
La technicienne d’études cliniques (TEC) est une professionnelle de santé qui intervient dans le cadre des essais cliniques, c’est-à-dire des recherches menées pour évaluer l’efficacité et la sécurité de nouveaux traitements, dispositifs médicaux ou nouvelles approches diagnostiques.
Elle travaille aux côtés des médecins, chercheurs et laboratoires. Et elle assure le bon déroulement des études, dans le respect des protocoles et de la réglementation.
Elle peut être rattachée à un hôpital, à un centre de recherche ou à un établissement privé.
Comment se déroule une étude clinique ?
Une étude clinique est une recherche encadrée, menée sur des volontaires (malades ou en bonne santé). Cette recherche a pour but d’évaluer l’efficacité, la tolérance ou la sécurité d’un médicament, d’un dispositif médical ou d’une nouvelle approche thérapeutique.
Elle suit un protocole strict et se déroule en plusieurs phases successives.
Je te les détaille ici car tu vas voir, Lucie en parle dans son témoignage.
Les différentes phases d’une étude clinique
- Phase I : cette première phase concerne généralement un petit groupe de volontaires sains. L’objectif est de vérifier la sécurité du traitement, d’évaluer les effets secondaires immédiats et de déterminer les bonnes doses à administrer.
- Phase II : cette étape est réalisée sur un nombre limité de patients atteints de la maladie ciblée. On cherche à confirmer l’efficacité du traitement et à affiner les informations sur ses effets secondaires.
- Phase III : plus large, cette phase compare le traitement étudié aux traitements existants (ou à un placebo). Elle est souvent menée dans plusieurs hôpitaux ou pays en même temps. C’est à cette étape que le traitement doit faire ses preuves avant d’être commercialisé.
- Phase IV : elle a lieu après l’autorisation de mise sur le marché. Elle permet de suivre les patients sur le long terme, de repérer d’éventuels effets indésirables rares et d’évaluer l’utilisation du traitement dans la « vraie vie ».
En parallèle de ces essais dits « interventionnels », certaines études sont observationnelles. Elles ne testent pas un traitement, mais collectent des données sur des patients pour mieux comprendre une maladie, ses évolutions ou ses traitements dans la pratique quotidienne.
Chaque étude est encadrée par un promoteur (souvent un laboratoire ou un centre hospitalier), validée par un comité d’éthique et suivie de près par des professionnels comme les techniciennes d’études cliniques, dont je te parle aujourd’hui.
Maintenant que le cadre est posé, je te propose de découvrir le métier de Lucie, une infirmière devenue technicienne d’études cliniques suite à son bilan avec Charlotte K.
Témoignage de Lucie, d’infirmière à technicienne d’études cliniques
Qu’est ce qui t’a poussé à te tourner vers ce métier ?
« Je suis quelqu’un qui a toujours besoin d’apprendre pour me sentir bien, et je stagnais là où je travaillais avant.
J’avais des « contraintes » personnelles qui faisaient que je souhaitais un poste avec des horaires de journée sans week-end. Je souhaitais également passer du temps plus qualitatif avec les patients, même si c’était moins fréquent. »
Comment as-tu pu y accéder ?
« J’ai réalisé un stage dans le cadre du bilan de compétences Charlotte K et un poste s’est libéré. J’y ai donc postulé et ma candidature a été retenue.
Faut-il faire une formation ?
« Il est possible de réaliser le DU ARC-TEC (assistant de recherche clinique – technicien d’étude clinique). Mais il n’est pas obligatoire pour exercer.
Tu dois en revanche passer tes BPC (bonnes pratiques cliniques) pour être intégrée dans une équipe de recherche.
Je les ai passées lors de mon embauche, c’est gratuit mais les liens sont accessibles via ton employeur. »
Dans quel type de structure travailles-tu ?
« Je travaille au sein du Centre d’Investigations Cliniques (CIC) du CHU de Brest.
Je suis donc dans un organisme public mais contractuelle. J’aurai possibilité d’être en CDI mais je ne serai probablement jamais titulaire via ce poste »
Quelles sont tes principales missions au quotidien ?
« Je travaille sur la thématique neurologie. Il faut donc déjà me remettre à jour sur toutes les pathologies neuro (AVC, AIT, Parkinson, Alzheimer, Sclérose en plaques etc.)
Je travaille sur une dizaine d’études actuellement, que j’ai « récupérées ». Donc je n’ai pas eu toute la partie de « mise en place ».
Pour chaque étude, je dois :
- voir ce que souhaite le promoteur
- créer des documents sources, des instructions de travail, des descriptifs de visites
- effectuer le screening (rechercher des patients possédant les critères d’inclusion/non inclusion d’une étude)
- voir les patients potentiels pour leur expliquer l’étude, son fonctionnement, son but, les avantages et les inconvénients d’y participer
- organiser la signature du consentement avec le médecin (ou à défaut avec la famille du patient lorsqu’il n’est pas en capacité de consentir)
- compléter le CRF (Case Report Form. C’est le document de recueil de données)
- organiser les visites, et gérer les planifications (avec Excel la plupart du temps)
- il faut tracer ++ pour ne rien oublier
- organiser la venue des « monitoring »
- réaliser les appels entre visite
- déclarer les évènements indésirables s’ils ont lieu…
- Mettre à jour la facturation
- assister aux webinaires des promoteurs pour modifier les pratiques si nécessaire… »
Quels types d’études cliniques gérez-vous (phase I, II, III, IV, autres) ?
« Nous avons beaucoup de phase 3, un peu de phase 2 et de phase 4, mais très peu de phase 1.
Mes collègues et supérieurs l’expliquent par le fait que les phases 1 sont quasi tout le temps mondiales, et que les USA ont beaucoup moins de « contraintes éthiques ».
Ils obtiennent plus facilement les autorisations pour ces essais. Et lorsque la France est prête à débuter ces études, elles sont déjà terminées aux USA.
Les promoteurs (laboratoires) préfèrent donc débuter les phases 1 aux USA la plupart du temps. »
Comment se déroule le suivi des patients dans une étude clinique ?
« Il est vraiment étude-dépendant : c’est le promoteur qui décide du suivi qu’il exige pour l’essai.
Parfois ils doivent venir tous les 15 jours pour des visites avec le médecin + injection, et d’autres fois ce sont des traitements per os, et on voit les patients tous les 6 mois.
Certaines études durent 5-8 ans, d’autres seulement 1 an, d’autres (les registres principalement) n’ont même pas de suivi : nous récupérons des éléments passés pour avoir une base de données, mais le patient n’aura aucun suivi.
La plupart du temps, il y a un temps médecin pour la visite médicale, un temps IDE si le promoteur demande des bilans sanguins, des prises de constantes, des injections etc., et un temps TEC pour pouvoir compléter les documents (CRF – Case Report Form // la base de données du promoteur où l’on remplit les données des patients), réaliser des tests ou compléter des questionnaires, programmer le rdv suivant, discuter avec le patient sur ses ressentis etc…
Le Centre d’Investigation Clinique s’adapte vraiment en fonction de chaque promoteur et de chaque étude. »
Quels outils et logiciels utilisez-vous pour suivre et analyser les données cliniques ?
» eCRF : c’est le promoteur qui le fourni, il en existe beaucoup (ce sont des sites internet la plupart du temps avec des identifiants attitrés pour chaque TEC)
Easydore : c’est le logiciel de facturation, nous devons valider ou non les actes réalisés à chaque visite en fonction d’une grille de surcoût validé par le promoteur et le CIC en début d’étude.
Outlook / Teams : Nous travaillons énormément par mail pour échanger avec les ARC promoteurs, et il y a de nombreuses réunions teams.
Word/Excel : Nous devons « créer » des documents sources qui serviront de base de travail pour la complétion des CRF (nous n’allons pas avec nos PC devant les patients, nous complétons des documents papiers que nous retranscrivons par la
suite sur le PC).
Il y a en général un document par visite qui reprend le CRF, les questionnaires/tests qui peuvent être demandé, un tableau de suivi des patients sur Excel.
Il y a énormément de site internet sur lesquels les promoteurs nous demandent de travailler, mais ils ont en général le même mode de fonctionnement. »
Travailles-tu en collaboration avec d’autres professionnels de santé ?
« Nous travaillons avec des médecins, des infirmiers, des ARC promoteurs, l’imagerie, les secrétaires, les techniciens du labo, la DRCI (Direction de la Recherche Clinique et de l’Innovation), les comptables, les juristes… C’est très vaste et il y a à apprendre
de chacun ! »
Quelles sont les compétences clés pour exercer ce métier ?
« Autonomie, rigueur, organisation, être à l’aise en anglais, et je pense que toutes les qualités d’une infirmière sont un plus, car nous voyons beaucoup moins de patients mais il est important d’avoir une communication aisée avec les patients et leurs
proches. »
Ce métier implique-t-il des déplacements fréquents ?
« Pas là où je travaille.
Je suis technicienne d’étude clinique coté « investigation ».
Il existe le poste d’Assistant de Recherche Clinique qui est la plupart du temps coté « promoteur », où ils coordonnent plusieurs centres de recherche, et ils organisent des « monitoring », sorte d’ « audits » pour vérifier que les centres de recherches effectuent bien les recherches comme le demande le promoteur. Cela inclut donc beaucoup de déplacements sur les différents sites participants. »
Quels sont les horaires de travail habituels ?
« Pour ma part, je travaille du lundi au vendredi de 9h à 17h10, avec 28 jours de congés payés + 19 jours de RTT par an (je suis assimilée cadre).
Je suis payée environ 1800 euros nets par mois (à la grille). »
Le métier est-il plutôt stressant ou équilibré ?
« Il est pour le moment un peu stressant pour moi car je découvre. Il faut être rapidement autonome mais il y a vraiment beaucoup de choses à apprendre donc j’ai souvent peur d’oublier quelque chose.
Après, nous n’avons clairement pas la vie des gens entre nos mains comme dans certains services… «
Quelles sont les qualités personnelles qui te semblent essentielles pour réussir dans ce domaine ?
« La curiosité, l’envie d’apprendre toujours plus sur les pathologies, l’envie d’innover, l’altruisme, mais aussi le respect des patients, qui souhaitent ou non participer aux études. »
Que dirais-tu à quelqu’un qui est intéressé par ce métier ?
« Je dirais qu’il y a vraiment beaucoup de connaissances à acquérir, qu’il faut s’accrocher au début car c’est une pratique totalement différente du métier d’infirmière. »
Quels sont les aspects les plus difficiles du métier ?
« Ce n’est pas toujours simple de se dire que pour qu’un essai soit concluant, certains patients doivent recevoir un placebo, mais que sans ça, les thérapeutiques d’aujourd’hui n’existeraient pas…
C’est également un métier assez « sédentaire ». Nous sommes beaucoup derrière un écran et le temps passé avec les patients reste assez minime (probablement moins avec le temps !).
Je débute donc mes réponses sont forcément impactées par ma faible expérience. »
Si tu pouvais donner un conseil à quelqu’un qui souhaite se lancer, quel serait-il ?
« De faire un stage d’observation !
C’est un métier assez particulier et j’ai trouvé exactement ce que je recherchais. Mais bon nombre de personnes qui sont passées là où je travaille ne pensaient pas que le métier était comme ça, avec autant d’administratif. »
Recommanderais-tu ce métier et pourquoi ?
« Je peux le recommander notamment pour les horaires de travail (c’était la première chose que je souhaitais, ayant deux enfants en bas âge, ça me permet d’allier vie pro/vie perso).
(Je te donne ici 10 idées de postes en horaires de journée pour les IDE)
Et si tu as besoin de renouveau perpétuel. J’étais du genre à vite m’ennuyer une fois que mes connaissances « stagnaient ».
Dans un métier comme celui là, de nouvelles études débutent très souvent donc ça évite la routine, et ça permet de
« tout redécouvrir » à chaque nouvel essai ! »
Quelles sont les possibilités d’évolution ?
« Tu as des possibilités d’évolution variées :
- Chef d’équipe : tu gères tout « l’avant » des essais cliniques, en étudiant la faisabilité des études au sein de ton centre de recherche (logistique, horaires, nombre de personnel nécessaire etc.)
- ARC Promoteur : Coordination d’une étude sur plusieurs centres + réalisation de monitorings
- Chef de projet : « Responsable » de la mise en place d’une étude via un promoteur ou un médecin en gérant tous les professionnels impliqués pour la bonne réalisation de cette étude »
Un grand merci Lucie pour ton témoignage.
Connaissais-tu ce métier ? Viens en discuter en commentaire.
Foire aux questions
Peut-on passer d’infirmière à technicienne d’études cliniques (TEC) ?
Oui, en tant qu’infirmière, tu peux choisir cette voie. Ta connaissance du terrain, ta rigueur et tes compétences relationnelles avec les patients sont de vrais atouts pour exercer ce métier.
Quelles formations faut-il pour devenir TEC après infirmière ?
Il n’y a pas de formation obligatoire, mais certaines sont recommandées, comme le DU ARC-TEC. Il est en revanche nécessaire d’obtenir la certification aux Bonnes Pratiques Cliniques (BPC), souvent proposée par l’employeur.
Quelles sont les missions d’une technicienne d’études cliniques ?
La TEC organise et suit les études cliniques : inclusion des patients, gestion des documents, suivi des visites, saisie des données, coordination avec les autres professionnels… Elle veille au bon respect du protocole. Tu découvriras tous les détails dans l’article.
Le métier de technicienne d’études cliniques est-il compatible avec une vie de famille ?
Oui, ce métier offre souvent des horaires de journée, du lundi au vendredi, sans gardes ni week-ends. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles certaines infirmières choisissent cette reconversion.
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